Abass Zein Parle d’ICC avec Le Club Arts & Culture de HEC Paris en Côte d’Ivoire

Abass Zein est passioné de théâtre

Ce jeudi-là, après avoir assisté, dans l’après-midi, à l’immeuble Postel 2001, à une conférence de presse sur la participation de la Côte d’Ivoire à VivaTech Paris 2025, à laquelle nous avait convié Ibrahim Kalil Konaté – le Ministre Ivoirien de la Transition Numérique et de la Digitalisation – et Mamadou Touré – le Ministre Ivoirien de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion Professionnelle et du Service Civique – nous nous rendons, en début de soirée à une autre adresse, également située dans le quartier d’affaires de la capitale économique de la terre d’éburnie.

Ce 3 juin 2025, à 2 pas du Palais Présidentiel – aux lignes épurées et à la silhouette rappelant un vaisseau spatial – à la Maison de l’Entreprise du Patronat Ivoirien (CGECI), précisément dans les Bureaux de la Représentation de HEC Paris en Afrique de l’Ouest et Centrale, des échanges riches sur le théâtre et les Industries Culturelles et Créatives (ICC) nous attendent.

Dans les locaux de la Business School, à travers les murs vitrés de l’officine d’Alexis John Ahyee, nous apercevons un homme, à l’allure désinvolte, mais dégageant un charisme certain, discuté avec le Directeur Régional de l’école où l’on “apprend à oser !” Son nom : Abass Zein, un homme profondément humain qui a réussi le pari fou de soigner, à la fois, le corps et l’âme.

Monté un spectacle demande du temps, de la créativité, des ressources et de l’argent !!! Abass Zein, metteur en scène

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Né à Dakar, la capitale Sénégalaise, peu avant les indépendances des pays Africains, c’est en Côte d’Ivoire que Abass Zein suit son cursus scolaire, suite à l’installation de sa famille à Abidjan. A Treichville – la commune N’Zassa, il effectue sa scolarité au Collège Catholique Saint Jean-Bosco, avant d’obtenir son Baccalauréat au Lycée Classique d’Abidjan. Déjà passionné d’art à l’époque, Abass Zein rejoint pourtant la faculté de médecine et, en 3e année, il prend la direction d’Angers, en France, pour parfaire sa spécialisation. Toutefois, son doctorat en poche, son amour pour la dramaturgie ne le quitte pas.

“Je suis né à Dakar d’une famille d’origine Libanaise qui a émigré depuis 8 générations ! J’ai fait mes études complètes ici, en Côte d’Ivoire, avant de m’envoler pour faire ma spécialisation. De retour à Abidjan, j’ai exercé à Yamoussoukro avec, comme crédo cette citation du Docteur Henri IV : Je soigne les malades comme un roi et tous mes malades sont des rois. Néanmoins, entiché de la culture depuis toujours, je n’ai pu me résoudre à me couper de cette partie de moi ! Pour moi, le mariage entre médecine et culture s’est imposé comme une évidence !” Explique Abass Zein, ce soir-là, dans les locaux Abidjanais de HEC Paris.

Ainsi, ne pouvant se délester de son attirance pour les planches, l’autodidacte de la scène commence à monter ses propres oeuvres. “C’est quand j’étais à Yamoussoukro que l’idée de faire du théâtre m’est venue à l’esprit, afin de faire cohabiter les différentes communautés qui habitaient la capitale politique Ivoirienne, mais ne se fréquentaient pas du tout ! C’est ainsi qu’après 2 adaptations, j’ai écrit ma toute première pièce intitulée : Toubabou Story, qui a eu un succès. Après j’ai écrit une autre pièce, en 2000, puis Chawarma Story qui m’a relancé en 2007, Garba Story, en 2012 qui aurait pu être joué en 2010 (…)

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Tout ça pour dire que le parcours est long et que monté un spectacle demande du temps, de la persévérance, de la créativité, des ressources et de l’argent ! J’ai tout risqué pour ma passion. Aujourd’hui, même si la vie n’est pas un long fleuve tranquille, j’ai ma propre structure de production et d’évènementiel (…) Il n’y a aucune alternative à toute chose au monde que l’amour de l’humanité. C’est cette vérité, cette honnêteté que je cultive et que j’essaie de transmettre au public.” Confie-t-il.

Abass Zein ajoute : “J’ai la nationalité Libanaise et j’ai hérité, de mes parents, la mémoire culturelle du pays du cèdre. J’ai la nationalité Ivoirienne, c’est mon pays, celui qui m’a forgé, m’a formé, m’a éduqué, m’a façonné. Et puis j’ai la nationalité Française, celle de Molière, du Siècle des Lumières, des arts, etc. qui m’a peaufiné, à fait de moi un esthète de la médecine et du théâtre. Je ne peux renier ces différents aspects de ma personne qui font de moi un tout, un homme complet, l’homme que je suis : Un bâtard culturel qui rayonne !” S’exclame Abass Zein avec un sourire emplit de fierté.

Poursuivant, Abass Zein déclare : “L’Afrique est plus que le berceau de l’humanité, c’est le cerveau du monde ! Les premières bases des Droits de l’Homme ont été posées vers 1240, sous le règne de Soundjata Keïta, dans la Charte du Mandé (…) Plus de 70% des mots Français sont étymologiquement Arabes (…) C’est pourquoi dans mon adaptation libre de L’Avare de Molière, je mélange Nouchi (argot Ivoirien), Français, Alexandrin, Opéra, etc. C’est ma manière à moi de briser les barrières, de prôner le vivre ensemble. Le théâtre me le permet et je ne m’en prive pas !” Se réjouit Abass Zein.

Quand j’ai 150 personnes sur scène, c’est au moins 400 personnes qu’on nourrit !!! Abass Zein, metteur en scène

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de Gauche à Droite, Alexis John Ahyee, le Directeur Régional de HEC Paris en Afrique de l’Ouest et Centrale, et Abass Zein, le metteur en scène. 3 juin 2025. Abidjan

Interrogé par Alexis John Ahyee sur l’économie circulaire dans les ICC, sous le regard de Haïdar Salman, le Président de l’Union Libanaise Culturelle Mondiale – l’UCLM est l’un des forts soutiens de Abass Zein – le médecin qui parle au corps et à l’âme insiste sur l’impact de la chaîne de valeur de ce secteur : “Quand on prend tout l’écosystème autour d’une pièce de théâtre, d’une représentation théâtrale, un salaire impacte 5 personnes (…)

En France, la culture représente 20% de l’économie et je ne parle même pas du Brésil ! Malheureusement, en Côte d’Ivoire, l’on ne se rend pas encore compte des opportunités qu’offrent les ICC (…) Quand j’ai 150 personnes sur scène, c’est au moins 400 personnes qu’on nourrit (…) Il nous faut dynamiser la création de valeur, à travers les Arts et la Culture, car ce sont les seules choses que l’Afrique peut réclamer (…) Or Beaucoup d’opérateurs économiques, qui ont les moyens, négligent l’utilité des Arts et de la Culture (…)

Ma pièce Soundjata Keïta a couté 58 millions FCFA ! Imaginez si quelqu’un investit dans un spectacle de ce type pour en faire une tournée internationale, avec toute la logistique et les conditions nécessaires pour en faire un produit colossal comme le Roi Lion ? Imaginez le retour sur investissement et les bénéfices ? Il faut monter un vrai projet, une vraie politique économique pour que ça fonctionne. Il nous faut nous mobiliser pour valoriser notre culture, nos arts, notre créativité.” Estime Abass Zein.

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Bien qu’il n’existe pas de données claires, précises et consolidées sur le sujet, au-delà de son soft power, l’industrie théâtrale Ivoirienne, de par l’expertise de ses acteurs et grâce à la jeunesse démographique des populations de Côte d’Ivoire (75,6% ont moins de 35 ans selon les derniers chiffres officiels publiés en 2023), pourrait rapporter des centaines et des centaines de milliards FCFA à la terre d’éburnie. Encore faut-il qu’elle soit bien structurée, soutenue par une politique publique à la hauteur, par le secteur privé, portée par des méga productions et surtout bien financée.

Cela fait 42 ans qu’Abass Zein se dévoue, corps et âme, au Théâtre et aux ICC. Il fait même partie de ceux qui ont aidé à la mise en place du 1er orchestre philharmonique de Côte d’Ivoire. Pour lui, en matière d’ICC, le temps et la qualité sont les maîtres-mots. 2 jours après cette conversation inédite avec le Club Alumni HEC Arts & Culture de Côte d’Ivoire, dans les bureaux Abidjanais de la Business School, l’adaptation libre, par Abass Zein, de l’Avare de Molière, a été jouée, à guichets fermés, dans la salle de spectacle de l’Institut Français de Côte d’Ivoire, dans la soirée du jeudi 5 juin 2025, la veille de l’Aid el-Kebir et 3 jours avant le lundi de Pentecôte.

KOFFI-KOUAKOU Laussin

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