Les faits : une transaction annulée et un pacte hypothécaire contesté
Au-delà du différend entre deux acteurs économiques, cette affaire soulève des interrogations fondamentales sur la gouvernance bancaire dans l’espace UEMOA et sur la capacité des organes de régulation à garantir l’intégrité du système.
Au cœur du conflit, une transaction de 7,7 milliards FCFA qui aurait été annulée après la divulgation d’informations confidentielles par FIDELIS Finance. Ces données, portant sur des créances dites “en souffrance”, auraient été transmises à des tiers, en violation présumée de l’Instruction n°01/2007/RB du 2 juillet 2007, qui impose une stricte confidentialité aux établissements bancaires de l’UEMOA.

Parallèlement, un pacte commissoire hypothécaire portant sur un terrain évalué à plus de 5 milliards FCFA est contesté par SOGETRA SARL (Société Générale de Transport), l’entreprise Ivoirienne de transport de marchandises conteneurisées basée à Treichville, en Abidjan. Celle-ci a saisi la justice civile pour obtenir la suspension de son exécution. Après plusieurs reports d’audience (22 septembre, 29 septembre, puis 1er octobre), le délibéré est désormais attendu le 15 octobre 2025, suite à de nouvelles écritures déposées par FIDELIS. Ces reports successifs traduisent la complexité d’un dossier à la fois juridique et transfrontalier.
Des enjeux financiers et réputationnels pour FIDELIS
Avec un bilan total de 72,7 milliards FCFA et des capitaux propres de 22,3 milliards FCFA, FIDELIS Finance ambitionne de se transformer en banque universelle. Mais ce litige pourrait affecter sa réputation, en particulier dans le cadre de son emprunt obligataire de 7 milliards FCFA et de son attractivité vis-à-vis des investisseurs.
Un éventuel manquement au secret bancaire mettrait également en jeu sa notation ESG (Environnementale, Sociale et Gouvernance), devenue un critère déterminant pour les partenaires financiers. Le Conseil d’Administration de FIDELIS est donc directement interpellé sur ses mécanismes de contrôle interne et de gestion des risques.
La Commission Bancaire de l’UEMOA appelée à réagir
Chargée d’assurer la supervision des établissements bancaires, la Commission Bancaire de l’UMOA a déjà été saisie par SOGETRA le 14 août 2025, puis par un mémoire complémentaire le 5 septembre. L’institution n’a pas encore pris position publiquement, mais les précédents récents montrent une tendance à la fermeté : en 2025, des sanctions liées au non-respect du secret bancaire ont représenté 4,55 % des mesures disciplinaires, avec des amendes cumulées de plus d’1,2 milliard FCFA.
Une prise de position de la Commission sera déterminante pour évaluer la portée de ce litige et ses répercussions sur la stabilité financière régionale.
La défense de FIDELIS : un déni catégorique
Dans une réponse datée du 14 septembre 2025, FIDELIS Finance a fermement rejeté les accusations. Son avocat affirme que l’institution respecte rigoureusement les normes en vigueur et refuse toute communication de documents sans décision judiciaire. L’établissement renvoie la charge de la preuve à SOGETRA et avance l’existence de liens entre les sociétés concernées pour justifier sa posture.
Cette défense, jugée par certains observateurs comme défensive voire contradictoire, sera soumise à l’appréciation du tribunal et, potentiellement, des régulateurs régionaux.
Au-delà de l’aspect judiciaire, ce litige, qui oppose FIDELIS Finance à SOGETRA SARL, révèle les failles possibles dans la gouvernance bancaire et questionne la capacité du système Ouest-Africain à protéger les données sensibles des clients. Dans une région où la confiance est le socle des flux financiers, un tel précédent pourrait amener à renforcer les exigences de conformité et de transparence. Le verdict, attendu le 15 octobre, sera scruté de près par les acteurs financiers et les investisseurs. Son issue pourrait bien redessiner certaines pratiques bancaires en Côte d’Ivoire et, plus largement, dans l’UEMOA.
Rodrigue Cofye
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