La clé de cette croissance réside dans la valorisation de secteurs prioritaires
Selon une étude conjointe d’ITC et d’Afreximbank, en dépit d’une longue histoire commune, les échanges bilatéraux entre l’Afrique et les Caraïbes n’ont jamais dépassé les 6%. Pourtant, de nouvelles analyses montrent qu’il existe un fort potentiel de croissance. Un potentiel qui pourrait atteindre 1.182,284 milliards FCFA au cours des 5 prochaines années, si des secteurs prioritaires, tels que les minerais, les produits alimentaires transformés, les biens manufacturés, les transports, le tourisme et les industries culturelles et créatives (ICC) sont valorisés.
Alors que la plupart des pays des Caraïbes sont désormais soumis à un tarif douanier uniforme de 10% sur les biens exportés vers leur principal partenaire commercial, les États-Unis — qui absorbent 40% de leurs exportations totales — du côté des pays Africains, les tarifs dits réciproques varient entre 10% et 50% — le Lesotho étant le plus pénalisé parmi tous les partenaires commerciaux des États-Unis — En tout état de cause, la valorisation de ces secteurs clés doit être amorcée, de manière durable, pour amortir l’effet de ces droits de douane qui annulent les avantages accordés par La loi Américaine sur la croissance et les opportunités en Afrique (AGOA).

Ces véritables défis, en particulier pour les petites entreprises aux ressources souvent limitées, mais qui doivent s’adapter rapidement, présentent, toutefois, des perspectives prometteuses, à condition d’avoir le courage de les saisir. Concernant précisément l’Afrique, le démarrage entamé de la phase de mise en œuvre accélérée de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) — sans doute la décision la plus ambitieuse prise par les chefs d’État Africains depuis plus de 60 ans — peut non seulement transformer le commerce et le développement en Afrique, mais aussi renforcer la capacité des pays du Continent à négocier dans les forums multilatéraux et consolider, ainsi, leur influence collective sur les règles du commerce mondial.
Quant aux Caraïbes, bien que leurs économies, de petite taille, éloignées et fortement dépendantes des importations, figurent parmi les régions les plus vulnérables aux chocs extérieurs (hausses tarifaires, catastrophes climatiques, perturbations des chaînes d’approvisionnement, etc.), une réelle opportunité d’investir dans la stabilité à long terme et la croissance économique s’offre également à elles : L’opportunité de faire un choix audacieux et de grandir en diversifiant leurs exportations et partenaires commerciaux, en transformant leurs produits avant exportation pour conserver davantage de valeur ajoutée et en renforçant leurs liens commerciaux, tant régionaux qu’internationaux…
Car le constat est clair : Au moment où beaucoup adoptent une attitude attentiste face à la prochaine phase du commerce mondial, l’Afrique et les Caraïbes ne peuvent se payer ce luxe ! Fortes d’une histoire socioculturelle commune profondément enracinée, les 2 régions ont aujourd’hui une occasion unique de renforcer leurs liens à travers une croissance économique et un développement portés par le commerce, dans un partenariat gagnant-gagnant. Elles peuvent ainsi devenir un modèle de coopération Sud-Sud, capable d’inspirer d’autres régions à suivre leur exemple.
Investir dans le commerce interrégional à valeur ajoutée
Malgré les efforts d’intégration régionale, le commerce entre l’Afrique et les Caraïbes reste limité. Les données d’ITC indiquent que les échanges bilatéraux n’ont jamais dépassé 6% des exportations totales de chaque région. En réalité, les exportations Africaines vers les Caraïbes sont en baisse depuis 2014, tombant à environ 0,1% depuis 2020. De leur côté, les exportations Caribéennes vers l’Afrique restent instables : De 0,8% des exportations totales en 2020 à 2,3% en 2022. Or, le potentiel de croissance est réel, puisque le commerce interrégional, actuellement évalué à 410,358 milliards FCFA, pourrait tripler d’ici 5 ans, pourvu que les barrières commerciales et à l’investissement dans des secteurs majeurs soient levées.
A titre d’exemple, la mise en place d’un corridor commercial formel permettrait de réduire les divergences réglementaires et les barrières non tarifaires. Cela pourrait se traduire par une revue à la baisse du droit de douane, à l’entrée sur les marchés Africains, de 88% auquel sont soumis les exportateurs de rhum Caribéens et qui constitue un frein majeur à leur développement, mais pas que…

En effet, difficile de profiter du potentiel inexploité du commerce de biens à forte valeur ajoutée sans l’accès au financement du commerce et de l’investissement. Pourquoi ? Parce que cela est essentiel pour les secteurs prioritaires comme les minerais, les métaux, les aliments transformés, les aliments pour animaux, les produits manufacturés, les transports, le tourisme, les ICC — des domaines dans lesquels les 2 régions disposent d’avantages comparatifs et de synergies possibles — et pour revoir le canevas des échanges entre les 2 zones qui reposent historiquement sur des matières premières non transformées, reflétant une absence de collaboration dans les domaines de l’industrialisation, de l’innovation et de la diversification économique.
La présence d’Afreximbank dans la région, à travers son bureau de la Barbade ouvert il y a 2 ans, devrait stimuler considérablement le commerce entre les 2 régions. À cela, s’ajoutent les projets de création du Centre du Commerce Africain d’Afreximbank (AATC) et de la Banque d’Import-Export de la CARICOM, une filiale de Afreximbank. Par ailleurs, le développement du Système de Paiement et de Règlement de la CARICOM (CAPSS)…
En partenariat avec les Banques Centrales de la CARICOM et Afreximbank, permettra de faciliter les paiements en monnaies nationales au sein de la CARICOM. Grâce à son intégration au Système Panafricain de Paiement et de Règlement (PAPSS), le CAPSS accélèrera aussi l’intégration des systèmes financiers des 2 régions, tout en stimulant le commerce et les investissements entre l’Afrique et les Caraïbes.
Dans l’économie créative en pleine croissance, par exemple, les 2 régions ont déjà une longue tradition dans les domaines du textile, de la céramique, de la sculpture du bois, etc. Elles peuvent donc s’appuyer sur leur patrimoine culturel commun et la collaboration entre stylistes, musiciens, artistes… Africains et Caribéens pour dynamiser cet important potentiel de croissance.
Dans ce cadre, le programme Creative Africa Nexus (CANEX) de Afreximbank a d’ailleurs identifié la mode, le design et l’artisanat comme chaîne de valeur prioritaire. Le financement du programme a été doublé, passant de 563 milliards FCFA à 1.126 milliards FCFA sur les 3 prochaines années, afin de fournir les infrastructures, le financement et les ressources nécessaires pour faire croître les ICC Africaines et de la diaspora, à l’échelle mondiale. La Banque est également en train de mettre en place un fonds de capital-investissement de 281,453 milliards FCFA pour soutenir les cinéastes Africains.
Éliminer les goulets d’étranglement
Pour tirer pleinement parti de ces opportunités de croissance économique, il est crucial de poser des bases solides. Parmi les principaux obstacles au renforcement du commerce entre l’Afrique et les Caraïbes, l’on peut, sur ce sujet, citer la faiblesse des cadres institutionnels, les inefficacités logistiques et les carences en infrastructures, car, malgré leur proximité géographique — seulement 2.576 Kilomètres les séparent — l’absence de liaisons de transport directes et les imperfections des cadres réglementaires rendent les échanges entre les 2 régions particulièrement complexes.
Malheureusement, cette situation fait que la logistique reste un goulot d’étranglement majeur. Les données d’ITC révèlent même que 57% du potentiel commercial non exploité est lié à des problèmes logistiques et la Banque mondiale classe les 2 régions parmi les plus faibles au monde en termes d’efficacité des transports et sur l’indice de logistique. Pour renverser la tendance, il est primordial d’investir dans les infrastructures interrégionales, notamment dans les liaisons directes de transport maritime et aérien, l’amélioration des ports et le renforcement des infrastructures numériques.
Sur ce point, il faut noter qu’Afreximbank dispose actuellement d’une facilité de crédit de 1.700 milliards FCFA pour les pays de la CARICOM, afin de stimuler l’infrastructure commerciale et la compétitivité des petites entreprises. La reproduction de ce types d’accords peut faire la différence à long terme.
Donner aux petites entreprises les moyens de saisir leur chance
Néanmoins, tout cela pourrait être vain si les petites entreprises des 2 régions ne sont pas en mesure d’agir et de saisir elles-mêmes ces opportunités. Le projet de renforcement du commerce et de l’investissement entre l’Afrique et les Caraïbes, une initiative menée par Afreximbank et ITC, établit des liens essentiels entre les secteurs privés d’Afrique et des Caraïbes. Cette entreprise ambitieuse vise à favoriser non seulement des partenariats commerciaux stratégiques, mais aussi des liens culturels.
En collaboration avec l’Organisation du secteur privé des Caraïbes et l’African Business Council (Conseil des Entreprises Africaines), le projet permet aux 2 régions d’identifier des opportunités économiques et de dynamiser les échanges entre entreprises, ouvrant ainsi la voie à une synergie poussée pour transformer le paysage économique de l’Afrique et des Caraïbes.

Les petites entreprises sont l’ossature des économies Africaine et Caribéenne. Cependant, elles sont insuffisamment représentées dans le commerce international. La toute première Réunion ministérielle mondiale dédiée aux Petites et Moyennes entreprises (PME) s’est tenue ce mois-ci, à Johannesburg, sous l’égide d’ITC et du gouvernement de l’Afrique du Sud, dans le cadre de la présidence Sud-Africaine du G20. Afreximbank a facilité la participation de 15 ministres, dont 10 venus d’Afrique et 5 des Caraïbes. Ce lundi 28 juillet 2025, le Forum sur le commerce et l’investissement entre l’Afrique et les Caraïbes (ACTIF) a débuté à Saint-Georges, la capitale de la Grenade. Prévu prendre fin le 30 juillet 2025, il s’inscrit dans la poursuite des efforts en cours pour renforcer les échanges commerciaux et les investissements entre les deux régions.
Pamela Coke-Hamilton, Directrice Générale du ITC et Benedict Oramah, Président de Afreximbank ainsi que de son Conseil d’Administration
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