Un vendredi noir pour Oragroup
Selon l’agence de notation financière, cette dépréciation de la note d’Oragroup est le reflet d’une inquiétude née d’un constat. Un constat résultant de l’examen de la santé financière du Groupe : Celui du risque de non-paiement des créanciers seniors. En augmentation depuis la dernière révision, datant d’octobre 2023, de la notation finacière de Oragroup par Fitch Ratings, ce risque découle d’une liquidité nettement plus faible, au niveau de la holding bancaire.
Le rabais de la VR à f, lui, s’explique par la situation actuelle du Groupe bancaire et financier. En effet, pour restaurer sa viabilité, celui-ci aura besoin d’un soutien extraordinaire en capital. Toutefois, il faut noter que Fitch Ratings réévaluera la note de défaut de paiement de Oragroup SA.
Elle le fera, une fois que l’apport en capital de base du nouvel actionnaire potentiel sera effectué et que le respect des exigences réglementaires en matière de capital sera clairement établi, en tenant compte, bien sûr, d’une forte capitalisation, de part en part, de prêts de dette non performante, du risque de concentration du crédit et de l’exposition à des titres faibles, notamment souverains, ou si Fitch perçoit un risque accru d’intervention réglementaire ou de non-paiement des créanciers seniors.
Un non-respect prolongé des exigences
Comme le souligne l’agence de notation, la dégradation de l’IDR d’Oragroup à CCC- pointe du doigt une possibilité réelle de défaut sur les obligations seniors, dans un contexte de non-respect prolongé des exigences de fonds propres et de tensions sur la liquidité au niveau de la holding bancaire : « Nous considérons que les créanciers seniors disposent encore d’une marge de sécurité limitée, compte tenu de l’apport potentiel en capital, ce qui réduit le risque d’intervention réglementaire et de défaut sur les obligations seniors. Le RWE sur les IDR reflète la probabilité accrue d’une baisse, si l’acquisition n’est pas approuvée ou si la conformité des fonds propres n’est pas rétablie en temps opportun (…)
Ce qui augmenterait le risque d’intervention réglementaire et de défaut sur les obligations seniors. Cela reflète également la probabilité accrue d’amélioration, si le non-respect des exigences minimales de capital du groupe est résolu par l’apport en capital de base. » Commente Fitch.
Et il en va de même pour la note de viabilité du Groupe bancaire. Désormais de f, en raison de l’existence de soucis de capitaux et d’un effet levier, l’agence de notation financière Américaine centenaire estime que Oragroup ne sera pas en mesure de résoudre le soucis embêtant du non-respect prolongé des exigences réglementaires en matière de capital, sans un apport en capital de base prévu par son nouvel actionnaire potentiel, à ce jour en attente de l’approbation réglementaire… « Nous considérerions l’apport en capital attendu comme un soutien extraordinaire pour résoudre un déficit de capital important. »
Les ratios de fonds propres d’Oragroup ( ratio Common Equity), à 5,3% et 5,5%, respectivement, sur le CET1 et le Tier 1, pour un total de 7,0% fin 2022, ont violé les exigences réglementaires (CET1 : 7,9% ; Tier 1 : 8,9% ; total : 11,9%, y compris coussins). Déjà, dans le courant du premier semestre 2022, une revue des pondérations de risque, appliquées à certains portefeuilles de prêts, avait révélé une forte hausse des actifs à risques pondérés (RWA). En tout état de cause, Fitch ratings considère que, dans un contexte d’exigences de garantie élevées sur les prêts nets douteux, de haut risque de concentration de crédit et d’exposition à des États souverains à fort risque, les fonds propres de Oragroup sont particulièrement faibles.
Simon Tiemtoré à la rescousse
Il faut rappeler que le groupe est présent dans 12 pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale. Pourtant, malgré cet atout stratégique, il ne dispose que de parts de marché modérées dans les plus grandes économies où il opère et d’un bilan relativement faible (4.664 ,917 milliards FCFA à fin 2022). Pour remédier à l’inclinaison inconfortable dans laquelle se trouve Oragroup SA en ce moment, son actionnaire majoritaire, le fonds d’investissement panafricain Emerging Capital Partners (ECP Financial Holding LLC), compte céder sa participation de 50%, ainsi que celle de certains actionnaires minoritaires.
Pour ce faire, lesdits actionnaires ont signé un accord de vente d’actions avec Vista Group Holding SA, basée au Burkina Faso. Si la transaction est approuvée, Vista Group détiendra entre 64% et 77 % de participation dans Oragroup. En novembre dernier, en marge de la troisième Foire commerciale intra-africaine (IATF 2023), Vista Group, fondé et dirigé par le Burkinabè Simon Tiemtoré, a signé une convention, avec Afreximbank, portant sur la somme de 166,604 milliards FCFA, justement pour financer cette opération.
Les écueils d’Oragroup
Tout d’abord, le risque de concentration du crédit sur un seul emprunteur est élevé. Dans le détail, au 31 decembre 2022, ses 20 prêts les plus importants représentaient, à eux seuls, 363% du total des fonds propres de la holding bancaire. En outre, le groupe est fortement exposé aux obligations souveraines à haut risque d’Afrique de l’Ouest et Centrale, via ses titres de dette publique.
Ensuite, la faible qualité de ses actifs. Effectivement, le ratio de prêts dépréciés du groupe (à 16% fin 2022 selon les critères du stade 3 de IFRS 9 ) est élevé, en raison de la mauvaise qualité des prêts dans certaines filiales et des retards dans la résolution des expositions historiques, en partie influencés par des exigences strictes de radiation. La couverture spécifique des pertes sur prêts douteux, elle, est faible. A fin 2022, elle était de 51%.
Le groupe affiche, également, une rentabilité modeste, avec des rendements opérationnels sur les actifs pondérés des risques (RWA) seulement d’environ 1,6% entre 2019 et 2022. La diversification de ses revenus est, certes, soutenue par des frais et commissions élevés et une présence géographique étendue, mais sa rentabilité est freinée par des coûts et des frais pour pertes sur prêts (LIC) également élevés. Durant les 03 premiers semestre 2023, Oragroup SA a enregistré une perte nette significative, du fait d’une forte hausse des LIC.
En terme de liquidité, Fitch ajoute que la Holding bancaire doit, aujourd’hui, obtenir de nouveaux financements externes, si elle veut faire face à certains remboursements de dettes importantes arrivant à échéance avant son acquisition effective par Vista Group Holding SA. Pour le moment, les risques de liquidité sont plus forts au niveau de la Sociéte Holding Bancaire qu’au niveau du groupe lui même. Cependant, un défaut de la Sociéte Holding Bancaire envers ses créanciers seniors pourrait entraîner une perte de confiance de ces derniers et, ergo, des sorties de dépôts dans les filiales du groupe.
Des signaux de fumée à prendre au sérieux
Fitch Ratings a prévenu, la note de défaut de paiement de Oragroup à long terme sera abaissée en cas de non-respect prolongé des exigences réglementaires en matière de capital, de la non réception, en temps opportun, de l’approbation réglementaire de son acquisition par Vista Group Holding SA et si une injection de capital suffisante n’intervient pas rapidement ou ne se montre ni efficiente, ni efficace… Tous ces facteurs, cumulés, pourraient conduire à une intervention réglementaire et à des défauts sur les obligations seniors.
L’autre paramètre, à prendre ne compte, qui pourrait détériorer encore plus la note IDR à long terme de Orabank SA, serait un resserrement important de la liquidité de Société Holding Bancaire, résultant d’une accélération de la dette due à une violation des clauses restrictives ou encore d’une incapacité à lever des fonds à temps pour rembourser les créanciers seniors.
Ces 02 denières années, l’agence de notation financière n’a pas changé la note de soutien gouvernemental (GSR) de Oragroup. Evalué à « ns », elle est demeurée la même ces 02 dernières années et a encore éte confirmée ce 05 avril 2024. Pourquoi ? Parce que, pour Fitch, la Holding bancaire ne recevra pas d’aide d’une autorité souveraine. Du moins, elle ne doit pas s’attendre à un tel appui. Toutefois, dans l’obscurité prégnante de ce fameux vendredi noir pour Oragroup, un rayon de lumière perce ce dôme de nouvelles ténébreuses : Certaines des principales filiales bancaires du groupe pourraient bénéficier du soutien de leurs autorités nationales respectives.
Aujourd’hui, Oragroup n’est plus maîtresse de son destin. Si elle veut sortir des limbes dans lesquels elle s’engouffre, lentement et sûrement, elle doit mener 04 actions majeures et admettre que, à l’heure actuelle, son futur dépend de la providence. Elle devra, tout en égrenant le chapelet, lever des fonds, prier pour l’approbation rapide de son acquisition par Vista Group, jeuner pour un soutien des souverains et espérer qu’ils interviennent à l’échelle de la Holding bancaire.
KOFFI-KOUAKOU Laussin
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