Relancer l’économie coûte que coûte
Pressions déflationnistes, faiblesse de la demande intérieure ou encore hostilité grandissante de l’Occident vis-à-vis de l’hégémonie Chinoise sur le secteur des exportations…. A peine sortie des affres de la Covid-19, la Chine jongle maintenant avec les déséquilibres de son économie aggravés par la crise sanitaire mondiale qui l’a frappée de plein fouet et des pressions croissantes. Dans ce contexte, le dragon d’Asie a du mal à atteindre ses objectifs à long terme.
-0,10% sur les principaux LPR
Pour endiguer ce flot de postes à juguler, sa banque centrale a décidé d’appliquer de nouvelles baisses aux Loan Prime Rates (LPR) et de porter les 02 taux préférentiels des prêts concernés au niveau le plus bas de leur histoire. Ainsi, le premier et non des moindres, le LPR à un an, la référence des taux les plus avantageux que les banques peuvent offrir aux entreprises et aux ménages, est passé, depuis ce lundi, de 3,45% à 3,35%. Le second, le taux à cinq ans, la référence pour les prêts hypothécaires en Chine, a lui été abaissé de 3,95% à 3,85%.
Ce coup, opéré par la Banque Centrale de Chine et anticipé par certains économistes, est censée booster l’économie de la Chine. Mais comment ? Dans les faits, cette mesure incitative vise à encourager les banques commerciales à accorder davantage de crédits, à des taux plus avantageux, et, par effet levier, à soutenir l’activité. La raison d’un pari si audacieux trouve son explication dans le fait que, en termes de choix de mécanismes économiques, la Chine est quelque peu acculée.
En effet, engluée dans les sables mouvants des perspectives de son économie, un an et demi après la levée, en 2023, des restrictions sanitaires qui pénalisaient son activité, la reprise post-Covid tant espérée a été non seulement furtive, mais également moins solide qu’escomptée. Aujourd’hui, le pays est dans une tourmente immobilière inédite accompagnée d’une consommation toujours faible et d’un taux de chômage élevé chez ses jeunes. Et ce, au moment même où les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis (USA) et l’Union Européenne (UE) menacent un peu plus, chaque jour, son commerce extérieur.
Pourtant, ce n’est pas la première fois que la Chine tente de relancer son économie en jouant sur ses taux. En février 2024 déjà, elle réduisait le LPR à cinq ans de 0,25 point. Le mois d’avant, c’était son taux de réserve obligatoire (RRR) – la part des dépôts que les banques sont tenues de garder dans leurs coffres – qu’elle descendait aussi de 0,25 point.
Des objectifs revus à la baisse certes mais…
En dessous des attentes d’analystes, les chiffres officiels publiés une semaine plutôt, précisément le lundi 15 juillet 2024, indiquent un net ralentissement de la croissance de l’économie Chinoise sur un an matérialisé par un +4,7% enregistré au deuxième trimestre 2024, contre +5,3% au premier trimestre 2024, soit le rythme le plus faible observé depuis la levée des restrictions draconiennes prises par le pays pour lutter contre la Covid-19, début 2023. Des restrictions certes nécessaires pour ce pays de plus 1,425 milliard d’habitants, mais qui, il faut bien l’avouer, ont sérieusement mis du plomb dans l’aile de la croissance de la deuxième économie la plus performante au monde.
En conséquence, Pékin a revu ses ambitions à la baisse et s’est fixé un objectif plus modeste d’environ 5% de croissance pour cet exercice 2024, loin des progressions habituelles à plus de 10% qu’on lui a connu entre 1980 et 2010. Cependant, avec une consommation morose traduite, en chiffres, par une progression d’à peine 2% des ventes au détail sur une année glissante au terme du premier semestre 2024, son économie parviendra-t-elle à atteindre cet objectif ?
Des réformes de l’économie Chinoise peu convaincantes
Ces mesures sur les LPR, décidées par la Banque Centrale Chinoise, interviennent après le 3ème plénum du PCC. Une réunion essentielle, tenue la semaine dernière à Pékin, où l’économie a d’ailleurs été le principal sujet des discussions et lors de laquelle les dirigeants Chinois ont « adopté une résolution sur l’approfondissement des réformes », avec l’aval du Président Xi Jinping, effectivement présent à ce rendez-vous quinquennal importantissime pour la nation Chinoise, sa conduite politique et son économie.
Si cette formulation chante à l’oreille les trompettes du renouveau, la vérité est ailleurs, savamment cachée entre les mots agencés et ordonnancés de cette énonciation fourre-tout qui, en règle général, n’induit aucunement des revirements profonds dans la stratégie politique, mais plutôt de subtils aménagements sur le volet social et dans celui de l’économie.
En définitive, durant cette rencontre, l’accent a été plus mis sur la continuité du plan politique que sur de réels aggiornamenti strutturali, ce qui, au final, commence à lasser les économistes, relégués dans une position de simples spectateurs de l’absence de progrès, alors que, justement, des engagements portant sur une amélioration, notamment de l’environnement commercial pour le secteur public, de l’attribution aux marchés d’un rôle crucial dans l’allocation des ressources ou encore de l’augmentation des recettes fiscales avaient bel et bien été pris par le gouvernement Chinois.
Clairement, alors que celui de 2013 avait, dans le temps, attisé l’intérêt des investisseurs, ravivé leur foi en l’expansion future de la Chine et convaincu ceux-ci que le Président Chinois Xi Jinping serait un grand réformateur, ce bis repetita flagrant, apparent et distinctement lisible comme audible dans l’ordre du jour de cette convention quinquennale 2024 du PCC a vite fait de refroidir leurs ardeurs.
Une confiance difficile à retrouver
Au jour d’aujourd’hui, pour de nombreux économistes, les annonces fortes du plenum de 2013 ont été jetées aux oubliettes. La Chine fait dans la reculade sur les questions de la libéralisation de son marché, ainsi que du secteur privé, les exemples les plus palpables étant le renforcement du contrôle des capitaux, suite à la déroute boursière de 2015, ainsi qu’un durcissement de la réglementation dans les secteurs de la technologie, de la finance et d’autres industries effectué ces dernières années.
Comme autres exemples de lueurs d’espoirs évanouies dans les méandres de l’économie Chinoise, la Chine avait promis de stimuler la demande intérieure, de renforcer les droits fonciers ruraux, d’améliorer le système de sécurité sociale et de réformer le système de passeport intérieur (un moyen de limitation des flux de population entre les villes et les campagnes qui date de l’ère Mao et accusé d’être à l’origine d’énormes inégalités entre les zones rurales et urbaines), aux sorties du plénum 2013, mais que nenni.
Au bout du compte, réaffirmer un programme politique au bilan mitigé n’aura fait que creuser un déficit de confiance envers Pékin et placer la 2ème force économique mondiale dans une perception à l’opposé de l’image que les investisseurs avaient d’elle,10 ans auparavant. Cependant, étant donné que la finance et l’économie sont en bonne partie régies par la loi des marchés et des cycles conjoncturels, il n’est jamais trop tard, à condition bien sûr de ne pas s’endormir sur les bordures soyeuses des nouvelles routes de la soie.
L’Occident s’inquiète
Même si cela n’a pas suffit à rassurer les investisseurs, il faut noter que, au terme du plénum 2024, l’Etat Chinois a donné, pour une fois, une échéance et s’est engagé à atteindre ses objectifs politiques d’ici 2029. L’autre différence notable par rapport à 2013 était la mise en relief des « nouvelles forces productives » – un slogan du Président Xi Jinping qui recouvre la vision d’une croissance soutenue par des développements scientifiques et technologiques – à la réunion plénière du PCC, cette année…
Qui entend parier sur les produits d’exportation de haute technologie pour devenir un nouveau moteur de croissance, ce qui permettrait à la Chine de compenser la faiblesse du retour sur investissement dans les infrastructures et les dépréciations croissantes auxquelles elle fait face depuis l’éclatement de la bulle immobilière en 2021.
Si cette initiative inquiète Washington, Bruxelles et d’autres capitales Occidentales qui prêchent que Pékin est à l’origine d’une surcapacité industrielle dans divers secteurs et menace, de facto, les emplois manufacturiers dans le monde entier, elle mine aussi de nombreux économistes estimant que la deuxième économie mondiale doit réduire sa dépendance excessive à l’égard des marchés extérieurs et des investissements alimentés par la dette, au profit de la consommation des ménages, autrement dit d’un modèle de développement davantage axé sur la consommation, vital, selon leurs dires, pour le potentiel de croissance à long terme de la Chine.
Les inquiétudes concernant les finances des gouvernements locaux, en hausse depuis des années, ont été accentuées par cette crise chronique de la dette immobilière. Selon le gouvernement central, les collectivités locales Chinoises sont confrontées à une dette colossale de 5.600 milliards de dollars, ce qui suscite des inquiétudes quant à la stabilité financière globale du pays. Les dirigeants Chinois se sont engagés à alléger la pression de la dette sur les gouvernements locaux en réformant le système fiscal.
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