La Croissance de Maurice Continue de décélérer

Maurice devrait améliorer son développement grâce à sa nouvelle politique budgétaire

Entre 2023 et 2024, la croissance du PIB réel de Maurice a reculé 30 points de base (pb). C’est ce qu’indique le dernier rapport de la BAD sur l’économie de l’île. Selon l’institution multilatérale, le ralentissement de l’économie de la Perle de l’Océan Indien devrait se poursuivre. Ses prévisions annoncent, pour 2025 et 2026, une croissance du PIB réel du pays stagnant à 3%, en repli certes, mais soutenue par les secteurs de la construction, des services financiers, du commerce et du tourisme, les principaux moteurs de l’économie Mauricienne.

“Maurice contient l’inflation, mais peine avec son déficit…”

La BAD souligne par contre que la tendance inflationniste globale, à Maurice, tempère la décélération de l’économie de l’île. En effet, en 2022, dans ce pays tributaire des importations pour son approvisionnement en produits de base, elle a culminé à 10,8% en raison de l’augmentation des prix du pétrole et d’autres matières premières sur les marchés mondiaux, des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales causées par la pandémie de Covid-19 et la succession de crises qui en a découlé, de la dépréciation de la Roupie Mauricienne, de la hausse des dépenses de consommation, etc.

Cependant, elle est nettement retombée pour se fixer à 3,6% en 2024, contre 7% en 2023. Désormais réalignée sur la fourchette cible de 2% à 5%, du fait notamment de la baisse des prix des matières premières, la BAD projette que l’inflation, sur l’île, devrait se maintenir dans ses eaux et être de 2,9% à la fin de l’année, puis de 2,8% en 2026.

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Graphique : KOFFI-KOUAKOU Laussin

L’étude signale, toutefois, que le déficit budgétaire de Maurice – estimé à 5,7% du PIB pour l’exercice 2023/2024 – s’est creusé et a représenté 9,8% du PIB au cours de l’année fiscale 2024/2025, significatif d’une performance des recettes plus faibles que anticipée, causée par des augmentations de salaires et l’élargissement des dépenses de sécurité sociale, mais qui devrait s’améliorer et ne constituer que 4,7% du PIB pour 2025/2026, si le pays procède à un assainissement budgétaire et met en oeuvre des stratégies pour mieux collecter les recettes.

La dette publique Mauricienne, bien qu’également en recul de 30 pb comparée à l’exercice fiscal 2022-2023, représentait 83,4% du PIB au 30 juin 2024 et s’est accélérée pour se quantifier à 90% du PIB (au-dessus du plafond légal de 80%) au cours de l’année fiscale 2024/2025, justement, à cause de la persistance des déficits budgétaires du pays. Concernant le déficit de la balance courante, il devrait se réduire, à condition que les retombées attendues du secteur du tourisme soit au rendez-vous.

Pour Kevin Urama, Économiste en Chef et Vice-Président de la BAD chargé de la Gouvernance Économique et de la Gestion, la faiblesse de l’administration fiscale et l’inefficacité du recouvrement des recettes sont des obstacles majeurs au développement. De son point de vue, “si l’Afrique s’engage à investir dans son propre développement et à gérer efficacement ses actifs, elle peut réduire sa dépendance extérieure et mobiliser son énorme capital pour une croissance transformatrice.” Pour ce faire, il appelle à une refonte fondamentale de la gestion des finances publiques sur l’ensemble du Continent. Et pour cause.

“Des risques de dégradation substantiels planent sur Maurice…”

Malgré les obstacles récurrents, la richesse nationale totale de Maurice a dépassé les 54.288 milliards FCFA – plus de six fois son PIB en comptant le capital humain, financier, naturel et produit – en 2020. En outre, les vastes ressources de l’économie océanique de Maurice, dans sa zone économique exclusive de 2,3 millions de km², offrent d’immenses possibilités pour le développement d’une économie bleue durable.

Cependant, pour soutenir la transformation structurelle, l’adaptation au changement climatique jusqu’en 2030 et profiter pleinement de son potentiel, le pays insulaire, qui est passé d’une économie à faible revenu à une économie diversifiée à revenu intermédiaire supérieur, doit encore combler un déficit de financement de plus de 198 milliards FCFA par an.

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Or, ses perspectives macroéconomiques pour 2025-2026 sont soumises à des risques de dégradation, pouvant substantiellement voir le jour au cas où une escalade potentielle des tensions géopolitiques, des droits de douane élevés sur les exportations Mauriciennes vers les États-Unis, une guerre commerciale mondiale, de nouvelles perturbations des chaînes d’approvisionnement, une fragmentation géo-économique accumulée et un stress financier résultant de la hausse des niveaux d’endettement public interviennent et/ou s’intensifient sur ladite période.

Pour rappel, le 2 avril 2025, les États-Unis ont imposé de nouveaux droits de douane de 40% sur les exportations Mauriciennes, avant de les suspendre pendant 90 jours. De tels droits de douane élevés, associés à l’incertitude concernant le renouvellement de l’AGOA, entraveraient grandement l’économie Mauricienne. Ils affecteraient particulièrement la compétitivité de ses exportations manufacturières, principalement les textiles et les vêtements.

Néanmoins, il faut noter que les coupes dans les Aides Publiques au Développement (APD) auront, elles, un impact limité étant donné le peu de dépendance de Maurice à celles-ci. Les autres risques supplémentaires, pointés par la BAD, seraient une série d’événements météorologiques extrêmes (sécheresses, cyclones, crues soudaines) et des conditions de marché du travail tendues, une forte augmentation du salaire minimum national, des pénuries de main-d’œuvre dans la durée dans un contexte de vieillissement de la population…

“La politique budgétaire engagée par le gouvernement Mauricien devrait permettre à l’île d’attirer de nouveaux investissements…”

Le côté positif dans ce scénario est l’engagement du nouveau gouvernement Mauricien en faveur de vastes réformes structurelles, visant à accélérer la transformation économique, à améliorer la gouvernance et à faire progresser la politique fiscale, portées par un modèle axé sur l’investissement et la productivité, pour soutenir la résilience à long terme et la croissance inclusive de l’économie de Maurice. En 2024, il a d’ailleurs adopté une taxe de 2% sur la Responsabilité Climatique des Entreprises (RCE) pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 623 millions FCFA.

Consolider les finances publiques tout en protégeant les investissements sociaux, réformer les systèmes de retraite et de fiscalité, diversifier les exportations vers l’Afrique (AfCFTA, COMESA, SADC), la Chine, l’Inde, les Émirats, accroître les investissements dans l’éducation, les technologies et l’environnement, ainsi que l’accès à davantage de financements climatiques mondiaux contribuerait à la pleine croissance économique de Maurice.

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Convaincus que les réformes structurelles décrites dans le discours sur le budget 2025-2026 du gouvernement Mauricien permettront de débloquer des investissements importants, notamment dans les énergies renouvelables, contribueront à une croissance plus élevée du PIB du pays et persuadé du rôle central du capital humain dans le développement de l’Île Maurice, Mahess Rawoteea, Secrétaire Adjoint aux Finances au Ministère des Finances de Maurice, reconnaît que la qualité de l’éducation, l’inadéquation des compétences, la faible participation des femmes au marché du travail, les évolutions démographiques et l’émigration des jeunes sont d’importants sujets que le pays doit adresser. “Maurice entreprend des réformes institutionnelles pour mieux mobiliser les capitaux nationaux et étrangers et promouvoir le développement durable (…) Nous rationalisons les processus, améliorons la transparence et facilitons les affaires. La protection de l’environnement, notamment la lutte contre l’érosion des plages, est également une priorité essentielle. ” Confie-t-il tout en annonçant la création d’une Unité de financement climatique au sein du Ministère des Finances, afin de combler le déficit de financement climatique du pays.

KOFFI-KOUAKOU Laussin

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